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Union des Locataires de Saint-Gilles asbl
18 octobre 2007

La débâcle identitaire des « allochtones »

http://archives.lesoir.be/carte-blanche-la-debacle-identitaire-des-%AB-allochtones_t-20041013-Z0PVMU.html

Carte blanche publiée dans le journal "Le Soir" du mercredi 13 octobre 2004

Intégrez-vous ! Combien de fois les sujets dits immigrés des première, deuxième et troisième générations n'ont-ils pas entendu cette injonction émanant de leurs « hôtes » belges ? Aujourd'hui, certains de ces sujets l'ont tellement bien entendue qu'ils tentent de l'appliquer à leur héritage patronymique.

À l'heure où, dans certains établissements publics, on interdit le port de signes ostentatoires censés trahir un repli religieux, on nous annonçait récemment que de plus en plus de personnes immigrées souhaitent, elles, paradoxalement, s'assimiler en belgicisant ou en occidentalisant purement et simplement leur nom et leur prénom aux accents un peu trop « orientés ».

Mais, quelle est la disgrâce majeure que ces personnes invoquent pour entreprendre une telle chirurgie esthétique ? Le port d'un nom, en dénotant leur appartenance culturelle, freinerait, voire saperait leurs chances d'obtenir un emploi. Face à cette pratique discriminatoire, des immigrés ont donc trouvé un artifice : modifier leur patronyme afin de le conformer au bon goût des employeurs. Assurément, des « allochtones » (sic) à la culture hybride - une culture d'origine fondamentalement remaniée par les us et coutumes du pays qui l'a accueillie - ne les satisfont guère !

Que ces gens fassent leurs courses dans les mêmes supermarchés que les « autochtones », travaillent et chôment comme eux, adoptent leur(s) langue(s) et les marques, made in USA, de leurs tenues, fréquentent leurs écoles, cinémas, parcs, hôpitaux ou dancings (à condition que la direction ne se réserve pas le droit d'entrée), utilisent leurs institutions, soient aguichés et aspirés par leurs objets-gadgets, lisent leurs journaux, épousent leurs femmes ou leurs hommes : toutes ces acculturations seraient donc vaines aux yeux de ces employeurs ! Même la naturalisation serait boiteuse. Elle ne coloniserait pas ce reste infamant : les nom et prénom des immigrés qui, transcrits sur leur C.V., dégageraient un parfum inquiétant !

Diable ! Apparemment, même la naturalisation et ses drastiques conditions d'acculturation n'ont pas abouti à l'effet escompté : la reconnaissance des immigrés ! Du moins auprès de ces employeurs ! Mais pas seulement. Il convient en effet de remarquer que le monde politico-médiatique, celui-là même qui exigeait, comme preuve de la bonne intégration des immigrés, leur naturalisation, persiste à utiliser dans son vocabulaire quotidien cet adjectif ségrégatif censé désigner les immigrés naturalisés : « Les nouveaux Belges », dit-il.

Alors que des immigrés se sont naturalisés dans l'espoir d'atténuer la ségrégation et l'absence de reconnaissance dont ils font l'objet, voilà que des acteurs politico-médiatiques persistent à utiliser, à leur encontre, un stigmate qui perpétue et cette ségrégation et cette absence de reconnaissance ! Il faut donc se poser une question importante : le maintien de cette ségrégation politico-médiatique ne force-t-il pas les sujets allochtones à effectuer un pas de plus pour jouir enfin de l'égalité dont bénéficient les autochtones ?

Nous y sommes aujourd'hui, avec l'adoption, sollicitée auprès de l'État belge, d'un nom et d'un prénom susceptibles de démontrer enfin l'appartenance à la catégorie des soi-disant autochtones. Mais cette entreprise n'est-elle pas d'office vouée à l'échec ? Qu'en est-il en effet du corps des allochtones ? Il ne suffit pas de porter un patronyme à consonance occidentale pour s'en dépêtrer ! En ce sens, la raison invoquée - une modification des nom et prénom pour avoir un meilleur accès chez l'employeur - est une pure ineptie. Si son corps est de couleur brune, quel avantage pourrait retirer le demandeur d'emploi d'être revêtu d'un costume-cravate, de se dénommer « Schollaert » plutôt que « Ben Merieme » devant un monsieur qui ne juge de la compétence professionnelle qu'en fonction de la seule appartenance culturelle ?

Alors pourquoi, aujourd'hui ou demain, après avoir extirpé leurs racines patronymiques, les sujets « allochtones » ne se blanchiraient-ils pas la peau, ne se grefferaient-ils pas des cheveux blonds et lisses, ne se poseraient-ils pas des lentilles bleues permanentes pour plaire à leurs « hôtes » ? Pourquoi n'iraient-ils pas jusqu'à modifier leur patrimoine génétique ? Allez, chers allochtones, encore un petit effort pour effacer cette inquiétante étrangeté que vos « hôtes » vous prêtent si généreusement !

Mais sachez tout de même qu'une réelle reconnaissance de votre identité, une réelle égalité de chances et de droits peuvent s'acquérir par des procédés moins compliqués. Et si, tout simplement, vos « hôtes » cessaient enfin, dans leurs discours et leurs pratiques, de dissoudre vos talents professionnels dans votre appartenance culturelle ? Et si vous-mêmes, par voie de conséquence, vous vous efforciez de mesurer la part que vous prenez dans cette dissolution dont vous vous plaignez ?

Sylviane Schollaert, Fonctionnaire
Mohamed Ben Merieme, Philosophe

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