Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Union des Locataires de Saint-Gilles asbl
24 septembre 2010

SOUFFRANCES D’HABITANTS

SOUFFRANCES D’HABITANTS

Par la présente, l’Association des Locataires de Molenbeek et Koekelberg (ALMK) a le plaisir de vous convier à une Table Ronde autour du dernier numéro (6) de la revue « Hiatus » : « Souffrances d’habitants » (disponible à la librairie TROPISMES, Galerie des Princes 11 à 1000 Bruxelles ou sur commande à l’ALMK).

Cette Table Ronde aura lieu le 22 octobre 2010 de 14 h 00’ à 17 h 00’ au Centre Culturel « De Platoo » sis avenue du Panthéon 14 à 1081 Bruxelles.

Y interviendront :

-         Nicolas BERNARD (Professeur aux Facultés Saint Louis) ;
-         Bernard HENCHGEN (Professeur à l’Institut Cardijn) ;
-         Sarah TURINE (Co-présidente d’ECOLO) ;
-         et en attente de confirmation : Christos DOULKERIDIS, Secrétaire d’Etat au Logement de la Région de Bruxelles-Capitale.

Les inscriptions sont obligatoires soit par téléphone (02.410.29.65), soit par e-mail (associationdeslocataires@hotmail.com).

En guise d‘hors d’œuvre, voici, rien que pour nos amis et lecteurs, une « Carte blanche » sur l’actuelle « horreur locative » et son cortège de souffrances humaines, « trop » humaines !

Pour avoir une prise sur le monde, nous enseigne Kafka, il faut savoir s’en déprendre. Ailleurs, il écrit : « Je ne peux dormir que seul dans une chambre. Je ne peux supporter la vie commune avec des gens ». Il ajoute : « Je me précipite dans la solitude comme l’eau dans l’océan. »

L’habitation ne forme-t-elle pas, par excellence, cet espace-temps qui accorde  aux êtres parlants ces possibilités ou pouvoirs ou encore libertés de se déprendre, précisément, de l’agitation du monde, de la frénésie roublarde des « gens », de « dormir seul dans une chambre» et de se précipiter « dans la solitude comme l’eau dans l’océan » ? Assurément, sans habitation, aucune possibilité, par exemple, pour les êtres parlants de sauvegarder leur droit au secret ou la préciosité de leur espace intime, de cet espace qui les rend, pour un temps, invisible à l’emprise de l’Autre. Une habitation – et plus particulièrement une « chambre » - permet en effet à chacun de cultiver le jardin de son être secret (amour, désir, écriture, lecture…) à l’abri des diverses sommations du Social, du Politique, de l’Economique ou encore de l’Œil, de plus en plus insistant, des vidéosurveillances. Insécuriser ou intranquiliser l’habitation, l’instrumentaliser à des fins de splendeurs économiques et internationales, donc à des fins d’exclusions et de ségrégations sociales, la réduire ou ratatiner à une pure et dure valeur d’échange, et corrompre ainsi son être en sapant « l’égaliberté » (E. Balibar) de chacun à se l’approprier, reflètent donc – on ne le dit quasiment jamais ! - des pratiques politiques odieuses car irrespectueuses de la dignité, donc des libertés, de l’être parlant.

Malheureusement, aujourd’hui, comme hier, ces pratiques odieuses se justifient politiquement : « La Région de Bruxelles-Capitale se doit, nous dit-on, pour « revivre » économiquement, de devenir impérativement « riche », « plus riche », indéfiniment « plus riche » ! Les procès d’exclusions et de ségrégations des « pauvres » seront donc, ne nous dit-on pas, économiquement, nécessaires et de plus en plus durs et intenses au fil du temps ! Mais que les « pauvres », nous dit-on encore, se rassurent quand même : Nous compatirons, de temps en temps, mais un temps très infime, à leur tristesse et détresse en secouant le drapeau, très salutaire et salvateur, du « logement social »! »

Aujourd’hui, justification politique/économique oblige, il n’est donc pas du tout odieux ou inhumain de saper l’essence de l’habitation et de ne la réserver qu’aux plus fortunés. Il n’est donc pas inhumain que les prix prohibitifs de l’immobilier bruxellois (location ou vente) excluent de plus en plus d’habitants. Il n’est donc pas inhumain que des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants se réfugient dans le parc locatif social. Pire, il n’est pas inhumain du tout que d’autres hommes, femmes et enfants, faute d’un logement social, s’exilent vers un ailleurs sans nom. On l’a compris : il n’est plus du tout inhumain – pour la santé d’une économie - que « les pauvres » crèvent non pas de rire, mais du pire !

Les habitants ou hommes, femmes et enfants que nous rencontrons à l’ALMK souffrent, dans leur corps et âme, du manque d’intimité, d’occuper un logement « surpeuplé », « insalubre »… Ils souffrent de dépendre, pour habiter, du seul secteur locatif social… Ils souffrent de ne pas pouvoir résider au sein d’un quartier « plus calme », plus « conforme » à leurs désirs, attentes, espoirs, jouissances… Ils souffrent, ces hommes, femmes et enfants, de l’indifférence générale… Ils souffrent de l’aliénation de leur quartier, de leur commune et région à une logique économique qui les produit comme des étrangers sur leur « propre » territoire…. Ils souffrent du pouvoir cynique et de plus en plus omnipotent de certains propriétaires privés sans scrupules qui, non dupes de l’actuel « Sauve qui peut ! », en profitent pour établir des « listes de candidats-locataires » et d’y choisir le « plus fortuné », le plus « fiable », le plus « propre »…  Ils souffrent, ces hommes et femmes, de voir leur(s) enfant(s) pleurer pour une chambre (des chambres) rien que pour lui (pour eux)… Ils souffrent de l’arrogance et de l’inhumanité de certaines Sociétés de Logements Sociaux qui restent sourdent, insensibles à leurs paroles, cris, souffrances…. Ils souffrent aussi de résider dans des « blocs » (de logements sociaux) quasi imposés… Ils souffrent d’y occuper des logements « inadaptés »…  Ils y souffrent de ne pas disposer de « plus grande(s) chambre(s) »… D’un « jardin »… D’un « salon susceptible d’accueillir la famille »…. D’une « cuisine plus grande »… Ils souffrent d’attendre des années et des années pour leur très hypothétique « mutation vers un logement social adapté »… Ils y souffrent (dans ces blocs) des bruits et cris des voisins... De la « saleté »… « De l’absence de respect »… Ils souffrent de cette réponse prêt-à-porter colportée par nombre de services sociaux (privés ou publics) : « Débrouillez-vous ! »… Ils souffrent de perdre leur logement (privé) et de « se retrouver à la rue »… Ils souffrent d’habiter chez des amis, de la famille… De vois leur famille dispersée… De ne plus disposer de leur(s) « chez soi »… Ils souffrent, pour certains, d’avoir « quittés le pays » et de « se retrouver paumés »…

Disons donc à l’égard des belles âmes qui prétendent allégrement disposer de  « réponses » ou de « solutions » à tout « problème social» que l’actuelle horreur locative en Région de Bruxelles-Capitale (RBC) n’est dès lors – justification politique/économique oblige - plus un « problème». Cette horreur, autrement dit, n’en appelle nullement à ces supposées « solutions » actuelles qui bien loin d’atténuer – il convient de le reconnaître - cette horreur et les souffrances humaines qui l’accompagnent, la légitiment, la renforcent: « Plus de logements sociaux ! », « Rénovation du parc locatif social », « Allocation loyer » ou « Socialisation d’un certain et rare parc privé » (Agence Immobilière Sociale). Qui ne voit pas, en effet, que ces « solutions » ont cautionné, cautionnent et cautionneront l’horreur locative, soit non seulement l’impossibilité sordide pour des habitants de plus en plus nombreux de résider là où le désir les mène, mais aussi l’assaut de ces mêmes habitants, pour préserver quand même leur dignité d’habitant du monde, sur le secteur locatif social ?

Bref, posons donc ceci : Il n’y a nulle « crise du logement » en Région de Bruxelles-Capitale. Et qui dit le contraire ment ! Tout simplement ! Cette « crise » avec laquelle « On » nous rebat les oreilles depuis fort longtemps est en réalité non pas un « symptôme » ou « un quelque chose qui cloche », mais une réelle « norme de fonctionnement » de la RBC elle-même. Dit autrement, l’actuel désarroi locatif rencontré par des milliers et milliers d’habitants est non pas accidentel, mais nécessaire au développement économique de la RBC. Il suffit, pour s’en convaincre, d’ouvrir tout simplement les yeux sur l’actuel pullulement de travaux de constructions et de rénovations qui visent à rendre la RBC « plus attrayante » et « plus attractive » pour « les revenus élevés »; sur ces nombreux terrains vagues et « inutiles » que des promoteurs nous promettent de transformer en pétrodollars ou plutôt en immoeuros ou encore sur ces publicités officielles et iniques qui, à seule fin d’aguicher des porteurs internationaux de capitaux, tronquent la région de « ses » divers malaises par des « images » soporifiques (« eugéniques ») où les bruxellois semblent « gais », « joyeux », « festifs », « dansants », « propres » et « normaux »  pour comprendre que la volonté du politique est de, précisément, accroître la valeur d’échange de l’habiter, donc accroître/renforcer « la crise du logement ». Autrement dit, il s’agit politiquement d’aliéner la région à une logique économique fondamentalement hostile à l’accueil ou au maintien en son sein d’habitants déshérités ou « pauvres ». Pour continuer à résider en RBC, se sauver, il ne reste dès lors à ces habitants qu’une seule et unique issue : SURVIVRE via l’attribution d’un logement social ou MOURIR !

Concluons : à l’instar des « prêtres ascétiques » (F. NIETZSCHE) dont l’art est d’introduire des « souffrances humaines» qu’ils se targuent de très bientôt « solutionner », nos actuelles belles âmes promotionnent et défendent, farouchement et avec enthousiasme, des projets d’exclusions et de ségrégations sociales tout en (nous) « promettant », pour demain, une « société plus juste », « plus sociale ».

L’actuelle approche de « la crise du logement » se doit donc, à nos yeux, d’être « subvertie » par des pensées nouvelles, des pensées susceptibles de rétablir  la dignité des êtres parlants qui souffrent, dans leur corps et âme, de malhabiter le monde.

Ben Merieme Mohamed
Assistant social à l’ALMK

Publicité
Publicité
Commentaires
Union des Locataires de Saint-Gilles asbl
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Visiteurs
Depuis la création 150 232
Publicité