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Union des Locataires de Saint-Gilles asbl
18 octobre 2007

« Le livre noir » du plan d'activation des chômeurs

http://archives.lesoir.be/%AB-le-livre-noir-%BB-du-plan-d-activation-des-ch%F4meurs_t-20051020-001KHV.html

Carte blanche publiée dans le journal "Le Soir" du jeudi 20 octobre 2005

Il arrive parfois que l'emprise de l'idéologie des théories cognitivo-comportementales (TCC) puisse se lire dans certaines mesures politiques adoptées à l'encontre des exclus. Si l'on nous accorde ainsi qu'une des principales tendances des TCC est le traitement des comportements malades (phobies, dépressions, angoisses...) par l'éducation ou l'apprentissage de nouveaux comportements, à partir de l'élaboration de nouvelles pensées (« Le Soir » du 22/09/05), alors force est de constater que le plan Vandenbroucke « d'activation des chômeurs », en tant qu'il comporte précisément cette tendance éducative, est un produit indéniable de l'idéologie des TCC. Le chômage y est effectivement posé comme un symptôme ou un comportement malade qu'il convient, afin que les malades regagnent illico le monde des inclus, de celles et de ceux qui travaillent et consomment, précisément de traiter et de soigner par des méthodes telles que le « contrat », la menace, la sanction, l'exclusion... Il s'agit en d'autres termes, par ces méthodes contractuelles et disciplinaires, de décourager les hommes et femmes au chômage à adopter le chômage comme mode de comportement (ou de solution) au monde. Qu'est-ce à dire ?

Qu'on nous permette, au préalable, de rappeler brièvement que le chômage ne trahit nullement un dysfonctionnement du discours libéral, mais plutôt un de ses modes de fonctionnement. Depuis le temps effectivement que l'on nous parle de ce fléau, on aurait dû logiquement non seulement saisir que le chômage est un phénomène qui ne cesse pas de se répéter, mais aussi se poser la question de savoir à qui donc profite cette répétition. De grands économistes libéraux ne cessent, en fait, de le rappeler : le chômage constitue un moyen pour le libéralisme d'influer, vers le bas, sur la fixation des salaires. En ce sens, le taux moyen de chômage ainsi requis pour son équilibre est, ajoutent ces mêmes économistes, de 8 %. Le chômage est donc une violence nécessaire au déploiement libéral. Voilà qui est dit.

Or, l'actuelle publicité, néoconservatrice et envoûtante, des appareils politico-médiatiques pose a contrario que le chômage représente un dysfonctionnement du libéralisme et un dysfonctionnement, continue-t-elle, qui est à imputer au comportement ou à « la mauvaise volonté » des chômeurs eux-mêmes. Au regard de ce chant des sirènes, les chômeurs (tous pareils !) seraient, en fait, gouvernés par une « absence de volonté de sortir de leur situation » et l'assurance pérenne d'une allocation chômage, outre qu'elle coûte à l'Etat, ne peut dès lors qu'entretenir cette absence de volonté et les fâcheux vices (irresponsabilité, alcoolisme, oisiveté...) qui, selon ce même chant, nécessairement l'accompagnent. Du coup, des thérapies politico-sociales susceptibles de pourvoir à la domestication, à l'engagement au cas par cas des chômeurs, s'imposent donc.

En ce sens, l'entreprise politique du plan Vandenbroucke est somme toute claire : Individualiser la question, d'ordre collectif, du chômage. Ce qui se dit aussi : la dépolitiser. Par quels biais ?

Par l'adoption d'un plan politique (gauche et droite confondues), empreint de l'idéologie des TCC et assignant à des fonctionnaires ces présentes missions bureaucratiques et éducatives : le fichage de chaque chômeur afin, par exemple, de calculer ou quantifier le nombre de ses consultations des offres d'emplois de l'Onem et d'évaluer ainsi, par ce chiffrage, son degré de bonne ou mauvaise volonté ; la contractualisation de ses engagements ; l'indication de la (sous-)formation qu'il est capable de suivre ; l'invitation/sommation, pour un supplément financier modique, à sortir de sa passivité en allant, par exemple, « tondre le gazon » des particuliers (via les ALE) ; la menace de ce baston - en cas d'absence d'implication, de non-respect de ses engagements contractuels et de chômage de longue durée - qu'est l'exclusion de l'allocation de chômage... Ajoutons aussi, en dehors de ce plan, la fixation politique d'une allocation de chômage incompatible avec le coût de la vie, à la lisière (le mot est gentil !) de la déchéance morale et physique du « bénéficiaire »...

Ce plan repose, en fait, sur une vision pavlovienne des chômeurs : si l'allocation représente effectivement la satisfaction des besoins (nourriture...), il est exigé, au son de clochette du fonctionnaire de l'Onem, que le chômeur sache automatiquement, que la délivrance de cette allocation est non seulement fortement limitée dans le temps, mais aussi subordonnée à ses réelles capacités de sortir de cette dépendance.

Pour réussir cet endoctrinement, il suffit que le son de clochette du fonctionnaire s'accompagne d'un mal, d'une souffrance infligée.

C'est le fameux principe des TCC du « stimulus-réponse » : si, par exemple, vous pincez un chien lorsqu'il saisit, par une voie bien précise, son pâté, le goût de cet aliment, aux yeux de ce pauvre chien, sera chargé d'une souffrance qu'il préférera, par la suite, esquiver. Il faut donc l'encourager à emprunter d'autres voies (laborantines), plus congratulatoires, pour recouvrer les « profondeurs du goût » de son pâté.

Et tel est bel et bien le but du plan : le bénéfice, public, de l'allocation chômage doit être un chemin de croix (surveillance, fichage, harcèlements, dégradation morale, sanction...) qu'il convient mordicus que les chômeurs et futurs chômeurs évitent afin qu'ils puissent suivre d'autres voies moins coûteuses à l'Etat.

Tel est le sordide dressage.

Sylviane Schollaert, Fonctionnaire
Mohamed Ben Merieme, Philosophe et assistant social

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