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Union des Locataires de Saint-Gilles asbl
4 octobre 2012

OCCUPANTS DU GESU : DIFFICULTÉS ET PERSPECTIVES

Union des Locataires Marollienne asbl [1]
Rue de la Prévoyance 56 - 1000 Bruxelles [2]
Tél / Fax: 02/512 87 44
ulmarolles@yahoo.fr
http://ulmarolles.blogspot.com

OCCUPANTS DU GESU :
DIFFICULTÉS ET PERSPECTIVES

[conf_de_presse_Gesu_4_oct_2012_OK.pdf]

Introduction :

Cela fait bientôt un an (le 26/10) que les familles SDF (160 personnes dont 70 enfants) qui occupent l’ancien couvent du Gesù à Saint-Josse ont signé avec le propriétaire une convention d’occupation qui devait en principe leur permettre de stabiliser leur situation (domiciliation, plus de menace d’expulsion, sécurisation,… etc.).

Mais les choses ne se sont pas révélées aussi simples. Plusieurs problèmes se sont en effet posés ou continuent à générer d’énormes difficultés. Aujourd’hui, sans l’aide ponctuelle du propriétaire et la relative tolérance du bourgmestre devant la situation explosive liée aux problèmes de sécurité et d’insalubrité, les gens seraient à nouveau à la rue. Pourtant, le projet recèle en lui-même une excellente réponse à la crise du logement vécue par les plus démunis, les familles logeant dans la rue. Il faudrait peu pour que cela fonctionne vraiment. C’est pourquoi nous demandons aux pouvoirs publics qu’ils prennent plus sérieusement en considération la situation, afin de poursuivre et d’étendre l’expérience et d’enfin permettre à tous les SDF qui le souhaitent et à beaucoup de mal logés de trouver un abri conforme à la dignité humaine dans les millions de m² de bâtiments vides que compte la capitale de l’Europe.

Comme le souligne le président de l’ULM, Jacques vander Biest : « Nous ne demandons pas la “charité” nous demandons que nous soyons nous-mêmes, constructeurs, artisans de notre insertion sociale. Et c’est ce qui se passe. Mais bien entendu en un coup de dé ou de cuillère à pot, ce n’est pas possible… Il y a là la naissance d’une démocratie : n’oubliez pas qu’en grec le mot demos désigne non pas le peuple mais ceux qui sont exclus des lignages, des grandes familles aristocratiques. Et ça c’était la nouveauté qui a été complètement achevée par les recherches de Péricles. Et cela à vécu et cela continue à vivre aujourd’hui car c’est le don de l’humanité. Et si nous ne demandons pas le pouvoir, nous espérons un pouvoir qui est celui de tout citoyen du monde, de tout citoyen européen et de tout citoyen belge.

Et évidemment c’est occulté car il y a de la saleté. C’est le regard du bourgeois sur le “petit” : il y a toujours quelque chose qui n’est pas tout à fait en ordre, donc on peut s’arrêter à ça. Un moine égyptien, hégoumène -supérieur- de son couvent, appelle successivement tous les membres de sa communauté, à commencer par les plus anciens. Il montre un drap de lit au milieu duquel se trouve une tache d’encre. Quand il leur demande “Qu’est-ce que vous voyez ?”, les moines répondent : “Il y a une tache d’encre”. Arrive alors le petit dernier qui lui dit : “Il y a un drap de lit”. Voilà ce que nous essayons de faire, attirer l’attention sur le drap de lit. »

Quant au projet d’hôtel de luxe, l’ULM est fondamentalement contre, à partir du moment où ce projet (comme d’autres similaires d’ailleurs) ne répond pas aux besoins de l’immense majorité de la population bruxelloise. Comme nous l’avons déjà dit, nous aurions préféré que soit construit au Gesù un nouveau centre social (projet global d’habitat et d’animations pour et avec les plus démunis). Nous profitons d’ailleurs de l’occasion pour lancer un appel visant à concrétiser ce projet global en partenariat, pourquoi pas, avec le propriétaire actuel du Gesù qui ne devrait modifier que le montage financier car nous sommes aussi pour le luxe des palaces à portée de tous ! Un hôtel de luxe pour les occupants actuels du Gesù ! Et pourquoi pas ?!

1.  Domiciliation et composition de ménage :

La Commune fut et reste très réticente à accorder la domiciliation. Il a fallu systématiquement accompagner les occupants et insister auprès des services communaux pour obtenir ce droit à un minimum d’existence légale. La domiciliation n’équivaut pas systématiquement à une aide sociale mais constitue une premier pas, certes insuffisant, pour se stabiliser (sans adresse, pas de travail). Encore aujourd’hui, des familles ne sont pas domiciliées avec leurs enfants ou n’arrivent pas à obtenir une composition de ménage reprenant tous les membres de la famille. De plus, la domiciliation accordée n’est valable que 3 ans et est soumise à certaines conditions : les occupants doivent fournir à la Commune la preuve qu’ils recherchent un emploi, preuve alors faxée par le fonctionnaire communal à l’Office des Etrangers…

2.   Absence de revenus et de toute aide sociale :

La grande majorité des occupants a un titre de séjour provisoire, est sans revenus et n’a droit à aucune aide sociale, sauf une aide médicale urgente dans quelques cas. Cette réalité scandaleuse génère évidemment de multiples problèmes, outre les problèmes de santé : charges non entièrement payées ; dégradation du bâtiment (tout ce qui a de la valeur est revendu : radiateurs en fonte, cuivre, zinc,… etc.) ; vols ; trafics de chambres ; tensions internes et externes. Cela provoque la colère du voisinage et engendre des articles sévères dans la presse, donc une très mauvaise publicité pour les occupants. « Qu’attend-on pour foutre tous ces pauvres dehors ? », lit-on entre les lignes. C’est le « Chaos au Gesù » (BDW du 13/9) ! Pour nous, les vrais criminels, ce ne sont pas les occupants mais les pouvoirs publics, qui les laissent sans aucun moyen de subsistance et attendent d’eux une attitude exemplaire !!!

 3.  Arrêté d’insalubrité :

 En décembre 2011, les occupants sont sous la menace d’une expulsion en raison d’un arrêté d’insalubrité pris par la Commune de Saint-Josse. Des travaux sont entrepris avec l’aide de bénévoles mais la tâche est énorme et les moyens limités. Heureusement, la situation a pu s’améliorer et, même si tout n’est pas conforme au « Code du logement », cela va nettement mieux.

 4.   Problèmes de sécurité :

La signature de la convention devait permettre de sécuriser les lieux. Mais la serrure sécurisée placée après la signature de la convention a été sabotée à trois reprises et la porte de rue est donc restée ouverte 24h/24. Certaines personnes profitent en effet de la misère des autres en sous-louant des pièces, une place dans un couloir, des matelas, ce qui suppose un accès « libre » aux lieux. Les avocats bénévoles des occupants (Mes Georges-Henri Beauthier et Alexis Deswaef) ont essayé de négocier avec les occupants problématiques mais cela n’a rien donné malgré un discours très dur : évoquant un « manque de dignité et de respect envers le projet et l’AG. Manque de reconnaissance envers tout ce qu’on a fait pour vous. Si quelques-uns mettent en péril tout le projet, on va couper et jeter le morceau pourri ».

Les occupants essayent d’organiser eux-mêmes une sécurité mais ce n’est pas évident. Cet été par exemple, des individus se sont introduits dans la salle du comité de gestion et l’occupent toujours, menaçant de mort quiconque ose leur demander de partir. En janvier 2012, l’ULM a demandé l’engagement d’un gardien 24h/24 et des moyens pour assurer l’encadrement de l’immeuble, mais les pouvoirs publics n’ont pas réagi positivement et il a fallu continuer à compter sur les bénévoles, la chance et la bonne volonté des différents acteurs de ce projet devenant de plus en improbable.

Ces derniers mois, vu la dégradation de la situation, le propriétaire a investi dans des travaux de sécurisation. Il a construit un sas d’accueil, a bloqué des accès et va engager trois gardiens qui seront à l’entrée 24h/24. On espère qu’avec ces nouveaux moyens, les gens pourront enfin vivre en paix.

 5.   Non payement des charges et absence de tarif social :

Les occupants se sont engagés à payer les charges. Mais sans revenus, ce n’est pas évident. De plus, ils n’ont pas droit aux tarifs sociaux car ceux-ci sont réservés à ceux qui ont droit à une aide sociale, ce qui n’est pas le cas des occupants puisqu’ils sont « considérés comme des touristes » d’un point de vue administratif. Actuellement, une partie des occupants paye une cotisation de 25€ par mois qui sert à régler les factures d’électricité et certaines dépenses indispensables (extincteurs, sacs poubelles…). Mais c’est insuffisant pour payer la totalité de la facture d’eau (arriéré de 23.500 € et consommation de 1500 € par mois). De plus, que doit-on faire avec ceux qui ne payent rien « parce qu’ils n’ont pas de revenus » : les mettre dehors ?

 6.  Mode de vie collectif :

Depuis le début des occupations, les associations ont proposé aux occupants d’établir un « mode de vie collectif » qui règle la vie de l’occupation. Mais le MVC n’est pas respecté par tout le monde, loin s’en faut, et il est très difficile de le faire respecter par ceux qui n’ont pas le sens du collectif. C’est évidemment un problème crucial. Il est très difficile de prendre des sanctions car il faudrait alors, à nouveau, exclure des occupants, ce qui n’est pas une solution acceptée par tous.

7.  Habitat solidaire et communautaire contre communautarisme :

Parmi les occupants, il faut distinguer ceux qui sont là par choix -qui ont un esprit communautaire, pour lesquels ce mode de vie collectif est un idéal de vie tout en constituant une bonne solution personnelle à la crise du logement- et ceux qui sont là par nécessité et rêvent d’un travail, d’un appartement, d’un écran plat et d’autres biens de consommation. Et dans ceux qui sont là par nécessité, il y en a qui refusent le mode de vie communautaire, d’autres qui développent des replis sur soi identitaires (communautarisme)- ce qui handicape le savoir-vivre ensemble.

Conclusion :

En août 2011, l’ULM a obtenu un subside de la Région de Bruxelles-Capitale [3] pour engager un travailleur à temps plein pour assurer l’accompagnement social des occupants du Gesù, de 160 personnes dont 70 enfants sans revenus dans un lieu labyrinthique, insalubre et non sécurisé. A titre de comparaison, le Samu social accueille 300 personnes chaque nuit et emploie 17 TP.

Une équipe de bénévoles et d’autres travailleurs sociaux de l’ULM, de l’ULSG, de la Ruelle, O Casa-O Family, Oasis, aident selon leurs possibilités, des associations caritatives interviennent régulièrement (Serve the city, Centre Social Protestant) mais c’est insuffisant. Lorsque nous avons demandé des moyens supplémentaires pour engager du personnel qualifié et financer l’entretien et les travaux urgents, nous n’avons pas reçu de réponse positive. L’assurance incendie continue toutefois à être financée [4].

Pourquoi l’Etat ne finance-t-il pas ce projet à hauteur de ses besoins? [5]

Comme nous l’avons dit en introduction, ce projet pourrait être répété ailleurs et constituer une solution pour beaucoup de SDF et de mal logés. Le propriétaire du Gesù, comme celui de la rue de Stassart, comme d’autres, étant prêts à ouvrir gratuitement la porte de bâtiments inoccupés à des SDF.

Mais pour cela, il faut que les occupants aient des moyens de subsistance et que l’encadrement humain soit nettement renforcé pour aider ces familles à accéder à une autonomie, à une vie digne.

4 octobre 2012


[1] Association agréée et subventionnée par la Région de Bruxelles-Capitale.

[2] Permanences : Lundi de 10h00 à 12h00 – Mardi et Jeudi de 13h00 à 16h00

[3] Cabinets du Secrétaire d’Etat au logement Christos Doulkeridis et du Ministre de l’Emploi Benoît Cerexhe.

[4] Cabinets de la Ministre Evelyn Huytebroeck, en charge de la lutte contre l’incendie, et du Secrétaire d’Etat au Logement, Christos Doulkeridis.

[5] En discutant de toutes les difficultés vécues avec divers travailleurs sociaux, psychologues, anthropologues pour essayer de comprendre et d’améliorer la situation, on nous a parlé d’un « état de sauvagerie des occupants » qui sont prêts à faire n’importe quoi, y compris saboter leur propre habitat, risquer une expulsion, mettre en danger leur vie et celle de leurs enfants à cause de leur vécu passé (persécutions,… etc.) et actuel (toujours non reconnaissance par les pouvoirs publics puisqu’ils « n’existent pas » officiellement, n’ont droit à aucun revenu). Le projet des associations serait donc inadapté au public qui fonctionne dans une logique de la rue, de guerre de tous contre tous (toxicomanes). Tous les coups sont permis, on a une vision ne dépassant pas 24 heures. Dans le cas des problèmes évoqués au Gesù, il faudrait peut-être ouvrir un lieu beaucoup plus petit et donc plus gérable mais les mêmes problèmes vont se répéter. Pour les pouvoirs publics, nous traînons avec des « va-nu-pieds » qui n’ont droit à rien. Nous rentrons « avec un positionnement politique dans une situation humanitaire ». L’Etat ne fait rien (ou trop peu) car il faudrait changer les lois actuelles sur l’accueil. Devant l’inaction du politique, il faut donc faire jouer la solidarité privée (propriétaires, associations, bénévoles).

Nos interlocuteurs estimaient qu’on est arrivé au bout de nos limites et qu’il faut le dire. Il faut aussi mettre en pratique ce qu’on a écrit et dit aux habitants et continuer uniquement avec les personnes qui respectent le mode de vie collectif. Les « parasites » mettent en danger la vie du projet. En attendant, ce n’est pas le rôle (ni l’objectif) de l’ULM de faire la police à la place des occupants comme certains le demandent. Dans les autres « squats », ce sont les occupants eux-mêmes qui expulsent les gens « nocifs » mais au Gesù la situation est beaucoup plus complexe (loi de la rue qui domine, population vivant dans la crainte de représailles etc., trop peu de sens du collectif et de l’habitat communautaire puisque la plupart des habitants sont arrivés là parce qu’ils n’ont pas le choix, contrairement au projet initial –Morichar en mai 2009- qui prévoyait une mixité entre les personnes défavorisées et les squatteurs ayant fait le choix de l’habitat communautaire).

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