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Union des Locataires de Saint-Gilles asbl
28 juillet 2020

George Orwell, notre contemporain 1/4: Orwell, le visionnaire dans "1984"

https://www.lecho.be/culture/general/George-Orwell-notre-contemporain-1-4-Orwell-le-visionnaire-dans-1984/10241125

«Big Brother», à l’origine un personnage du roman dystopique de George Orwell, est depuis une expression utilisée pour dénoncer les systèmes de surveillance et portant atteinte à la vie privée. ©Photo12 via AFP
27 juillet 2020 20:57

De la surveillance généralisée à la novlangue en passant par le principe de la double pensée et la fabrication d’un homme nouveau échappant à tout déterminisme, les prophéties de George Orwell dans son célèbre roman "1984", publié en 1949, n'ont jamais semblé autant d'actualité.

Si "1984" (qui s’intitulait initialement "Le dernier homme d’Europe") reste le livre le plus célèbre et le plus lu de George Orwell, c’est tout simplement parce qu’on a l’impression qu’il a été écrit aujourd’hui. Dystopie effrayante qui met en scène un personnage, Winston, aux prises avec "Big Brother", figure emblématique d’un Parti unique ("Angsoc"), pouvoir totalitaire à la fois obscur et absolu. "Naturellement, il n’y avait pas moyen de savoir si, à un moment donné, on était surveillé. Combien de fois, et suivant quel plan, la Police de la Pensée se branchait-elle sur une ligne individuelle quelconque, personne ne pouvait le savoir. On pouvait même imaginer qu’elle surveillait tout le monde, constamment."

La société dans laquelle vit Winston est ainsi soumise à une propagande permanente via le "telécran" mais aussi à une surveillance généralisée ("Big Brother is watching you") dont on peut dire sans exagérer qu'elle est, de nos jours, devenue une réalité avec l’essor phénoménal des nouvelles technologies: le nombre de caméras en constante augmentation dans les villes au quatre coins du monde, le programme de surveillance de la NSA révélé par Edward Snowden, le profilage numérique, le partage incontrôlable des données personnelles, etc. "Ce fut la fin de la vie privée ", résume Orwell.

À côté de cela, il y a la célèbre "novlangue", imposée par les dirigeants d’"Oceania", que l’on peut définir comme la volonté, fanatique et systématique, de dénaturer et de détruire le vocabulaire afin de rendre impossible que les choses soient dites. Supprimer le mot, c’est supprimer l’idée: "les libertés politiques et intellectuelles n'existeront plus, même sous forme de concept. Elles n'auront donc plus de nom". La fabrication de cette langue artificielle n’a d’autre but que de provoquer une séparation avec la réalité, avec les autres et avec soi-même. La novlangue signe ainsi l’anéantissement de la pensée par la complexification du langage. "En simplifiant votre langage, vous vous prémunirez contre les pires sottises de l’orthodoxie", indiquait Orwell, dans un autre texte. 

La falsification du réel

Mais il ne faudrait pas limiter l’œuvre du romancier anglais à ces deux trouvailles, car il a exposé également une triple réalité, dont la proximité avec notre temps est encore plus troublante: la falsification du réel, la mutabilité de l’Histoire et la "double pensée". Dans "1984", la vérité n’existe plus en tant qu’exactitude (le pouvoir peut décider que 2+2=5), pas plus que la réalité des faits présents et passés. Le rapport à l’Histoire est rendu problématique par la fabrication des archives et la destruction de la mémoire. Loin d’être immuable et de constituer une source de points de vue différents, l'Histoire est réécrite en fonction des intérêts du Parti dans une volonté d’adéquation absolue avec son idéologie ("Celui qui contrôle le passé contrôle le futur"). Telle est bien la façon de créer un homme nouveau échappant à tout déterminisme.

La double pensée

Enfin, la vérité est expulsée du monde par l’effet de la "double pensée", qui désigne le pouvoir de garder à l'esprit simultanément deux croyances contradictoires, et de les accepter toutes deux. "Un intellectuel du Parti sait qu'il joue avec la réalité mais par l'exercice de la double pensée, il se persuade que la réalité n'est pas violée." Comment ne pas voir dans un personnage comme Donald Trump, avec son usage des "faits alternatifs", une incarnation stupéfiante de ce phénomène? "Dire des mensonges délibérés tout en y croyant sincèrement, oublier tous les faits devenus gênants puis lorsque c'est nécessaire les tirer de l'oubli pour le laps de temps utile." On aboutit ainsi à un processus dans lequel le mensonge s’impose systématiquement face à la vérité.

Dans ce monde terrible où 2+2=4 ne va pas de soi, le combat de Winston consistera à affirmer l’existence d’une réalité objective, à défendre l’évidence et l’honnêteté intellectuelle, "sans laquelle la continuité même de la vie civilisée n’est en aucune façon assurée", déclarait Orwell. Si Winston finira par le payer de sa vie, on peut cependant apercevoir une note d’espoir à la fin du livre: "D'une façon ou d'une autre, vous échouerez. Tôt ou tard, ils verront qui vous êtes et vous déchireront. La vie vous vaincra. Il y a quelque chose dans l'univers, je ne sais quoi, un esprit, un principe que vous n'abattrez jamais." Aux yeux de son auteur, "1984" était moins un simple roman d’anticipation qu’un cri d’alerte face aux dérives probables de son temps. Il serait très certainement horrifié de voir à quel point notre époque lui a donné raison.

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