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Union des Locataires de Saint-Gilles asbl
18 octobre 2007

A Bruxelles, modernisation rime avec ségrégation locative

http://archives.lesoir.be/a-bruxelles-modernisation-rime-avec-segregation_t-20030423-Z0N2DW.html

Carte blanche publiée dans le journal "Le Soir" du mercredi 23 avril 2003

En Région bruxelloise règne un consensus mou : le logement social devrait constituer une des priorités politiques majeures du gouvernement régional.

Dans le contexte socio-économique actuel, il est indéniable que l'hospitalité du logement social représente une denrée rare et nécessaire pour la population démunie. En ce sens, il convient en effet et de la valoriser et de l'élargir. Or les acteurs politiques et sociaux qui portent et colportent ce consensus, loin de vouloir agir sur ce contexte, tentent de l'occulter.

Livrons les données principales de ce contexte. On assiste aujourd'hui à un processus de modernisation de la Région bruxelloise qui s'accompagne, structurellement, d'une sévère et douloureuse ségrégation locative. Nous entendons par processus de modernisation la mise en route d'instruments politiques, urbanistiques et idéologiques visant à rendre la Région bruxelloise attractive aux familles jouissant de revenus « moyens » et « élevés ». Et par ségrégation locative, la mise au ban des familles à bas revenus que ce processus produit et exige de fait.

La modernisation de la Région bruxelloise et ses instruments visent deux objectifs principaux. Le premier, d'ordre communal et régional, pourvoit à revitaliser, esthétiser et sécuriser les quartiers (périphériques et centraux) bruxellois.

Louable objectif ? En fait, le souci majeur - qu'on ne s'y trompe pas - n'est pas seulement celui de rendre la Région agréable et sûre à l'ensemble des citoyens, mais surtout de lui conférer le présent goût du jour : une Région bourgeoise, donc fondamentalement « progressiste » et « branchée » sur le « monde magique » des marchandises et festivités en toc.

« La Pluie d'Objets » déferle effectivement en Région bruxelloise avec son cortège de « frustrés » et de « parapluies » sécuritaires ! Et puisque n'est pas « bourgeois » qui veut, les « gueux » seront donc priés de déguerpir du territoire ou de se « recycler ». Et puisqu'un « recyclage » du « gueux » engendre nécessairement un autre « gueux », il ne restera à ce dernier que les « faubourgs » (ces quartiers « populaires » institués : les quartiers de logements sociaux) ou l'exil.

Ainsi, le second objectif, principalement régional, via la Société de développement de la Région bruxelloise, opte, lui, pour la construction et la vente de logements qu'il ne destine qu'à l'unique classe « moyenne » - la clientèle par excellence (après la classe « supérieure ») du premier objectif.

L'effet social principal occasionné par ces objectifs est évident et déjà visible : l'absorption - lente, mais réelle - des quartiers « populaires ». Dans l'attente d'une « totale » absorption, des « grilles » protègent, ici et là, notre « aventureuse » classe moyenne des éventuels soubresauts de la classe « populaire » ! L'ascenseur « marollien », quant à lui, entame déjà « l'assaut » des « Indiens » par les « cow-boys » ! Trêve de plaisanterie !

Lapalissade : en tant qu'ils engendrent nécessairement l'augmentation de la valeur d'échange (par leur effet d'entraînement) des composantes de la Région, ces objectifs ont aussi cet effet ségrégatif dans le parc locatif privé : des loyers prohibitifs pour la population défavorisée.

La flambée incessante des loyers qui sévit en Région bruxelloise entraîne ainsi l'exacerbation de la demande de logements sociaux au sein de la population à bas revenus. Cette population est donc contrainte de limiter ses libertés fondamentales de déplacements et d'implantations au sein de la Région bruxelloise. Il s'agit là aussi de ce que nous nommons ségrégation locative. Dès lors, ce présent droit fondamental : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat » (art. 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme), serait-il ainsi devenu de la bouillie de chat ?

Si le gouvernement régional, en outre, n'affiche aucune réelle volonté de convertir les lois injustes du contexte socio-économique actuel en lois justes, c'est du fait principal que cette injustice lui est nécessaire. En effet, cette logique alimente, vivifie, préserve, via l'Impôt sur les personnes physiques que seuls les revenus moyens et riches concèdent, l'Institution régionale elle-même. La logique de modernisation est essentielle à la préservation et perpétuation de cette Institution.

Pour certains, cependant, logique de modernisation et logique sociale apparaissent comme susceptibles de se « concilier ». Ils dénomment cette hypothétique « conciliation » : la « mixité sociale ». Entendez par là, des lieux où la logique de modernisation est susceptible, paradoxalement, de cohabiter harmonieusement avec son produit : les gens qu'elle exclut !

Concluons. Le fait pour certains de nos acteurs politiques et sociaux actuels de se coltiner et de se focaliser sur l'unique gestion du nécessaire et de concevoir le logement social comme cette « bouée de secours » à préserver, a cette grande vertu soporifique : l'espérance et « l'attente » en d'hypothétiques lendemains qui chanteraient en faveur de la population à faible revenu. En « attendant », le processus de modernisation « avance » bel et bien et à « grands pas ». En d'autres termes, ces acteurs demandent sournoisement à cette population de persister à crier « Au loup ! » pendant que ce dernier les « dévore » déjà !·

Cette carte blanche a été écrite en collaboration avec Sophie Knubben, David Van Hoolandt, Werner de Bus et Rudy Lamm, travailleurs sociaux à Bruxelles.

Mohamed Ben Merieme
Assistant social

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